
Le collectif national de planche à voile iQFoil s'est entraîné à l'ENVSN durant une semaine, coaché par Pierre Noesmoen et Nicolas Huguet, avant d'enchaîner sur 4 jours de coach regatta. Nous en avons profité pour interviewer Hélène Noesmoen, leader sur le circuit iQFoil en 2020 (2ème des iQFoil International Games, championne d'Europe iQFoil et championne du monde Formula foil).
ENVSN : peux-tu nous parler de ton séjour à l'ENVSN ?
Hélène : ça s'est super bien passé. On a eu des bonnes conditions de navigation. On a pu naviguer tous les jour. Là, on est pas mal sur des mesures et du recueil de données en navigation. On est pas mal aidés par Paul [Iachkine] et par Yves [Clouet]. C'est vrai que c'est assez intéressant, ça nous permet de voir des choses sur l'eau, d'avoir des retours, que ce soit à la fois en caméra ou en données et de pouvoir traiter tout ça.
On a fait une semaine de stage et là maintenant on est en coach regatta. C'est des petites régates organisées pendant 4 jours. En tout, on est une trentaine de coureurs qui viennent de partout en France, de tous les pôles. La première semaine, c'était le stage national et là c'est vraiment ouvert à tous ceux qui veulent venir faire des régates. Dans l'ensemble, on fait à peu près un stage de 10/15 jours par mois en essayant de faire une coach regatta pendant le stage pour garder la dynamique française et profiter du fait qu'on a beaucoup de monde et une grosse densité de niveau. Même s'il n'y a pas de régate officielle, on peut se confronter en ayant moins de contraintes de logistique, de déplacement ou de préparation de matériel. Parce que si on casse et qu'on rate une manche, c'est pas très grave. Du coup, ça nous permet d'avoir de belles situations. Là, on était en mode slalom hier et aujourd'hui parce que le vent était assez faible. En iQFoil, tant qu'il n'y a pas plus de 10/15 noeuds, on ne fait que du slalom. Mardi et mercredi, on devrait faire du près et du vent arrière. On fait un classement tous les jours, par contre c'est pas forcément des régates, ça peut être des parcours variés. Sur notre dernière régate à Marseille, on se permettait d'avoir des contraintes de nombre de virements de bord ou d'autre chose pour densifier ou nous faire travailler sur des points très techniques. Mais on en conditions de régate avec un comité de course, des procédures, il peut y avoir des réclamations mais après, ça reste un peu plus souple qu'une régate officielle.
ENVSN : Ton actualité, c’est ta sélection dans l’équipe Sail GP France. La prochaine épreuve est prévue les 24 et 25 avril prochains. Comment se passe la préparation ?
Hélène : Alors, ça ne me laisse pas beaucoup de semaines pour me préparer, mais de toutes façons, sur ces circuits-là, il n'y a pas beaucoup de préparation spécifique parce que les bateaux ne sont disponibles que sur le lieu de l'épreuve. Du coup, on ne peut pas faire d'entraînements avant, ici ou ailleurs. Donc le temps est restreint et ce, pour tous les équipages.
Donc on prendra le temps qu'il y a, mais c'est sûr que ça ne fait pas beaucoup, surtout que sur ce circuit, il y a beaucoup de gens qui ont déjà navigué sur des catamarans volants, que ce soit sur la Coupe de l'America il y a quelques années ou sur le circuit Sail GP. Il va falloir être efficace dans les entraînements!
ENVSN : As-tu rencontré les autres équipiers ?
Hélène : Un petit peu ici, à l’ENVSN, on a navigué en Waszp, mais pas du tout sur des bateaux en équipage. Quand on était ici en sélection, on a regardé des manches, vues de l'intérieur et commentées par Billy [Besson] donc ça permettait de comprendre un peu mieux comment les rôles se répartissent à bord et ce qui se passe vraiment dans l'action.
ENVSN : Tu connais ton rôle à bord ?
Hélène : Pas vraiment. Je pense que ça va dépendre de comment ça se passe avec toutes les filles du circuit international, parce que c'est un peu une nouveauté. Enfin, les Français avaient déjà Marie [Riou] la première année à bord, mais c'est quand même une nouveauté qui est lancée par l'équipe d'organisation internationale de vouloir avoir une femme à bord.
Ce sera surtout une personne en plus dans le bateau, on va être 6 au lieu de 5 normalement. Et du coup je pense que sur les premières étapes et probablement sur les premiers entraînements aussi, ce sera surtout de l'observation tactique pour pouvoir donner toutes les informations devant et aider le barreur à prendre les bonnes décisions. Et après, si ça se passe bien, j'espère aller toucher un peu plus aux commandes. Mais au début ça risque d'être plus de la tactique / stratégie.
ENVSN : Comment tu gères ce double objectif SailGP et projet olympique ?
Je pensais que ça allait être une saison très dense. Au final, plus ça va, plus les compétitions s'annulent, donc je suis plutôt contente d'avoir prévu une saison un peu trop remplie. Comment je gère ? J'ai beaucoup avancé cet hiver sur mes entraînements en iQFoil pour être plus disponible par la suite, en naviguant moins. J'ai beaucoup avancé sur les tests de matériel par exemple, mais aussi sur des points techniques importants.
Les objectifs sont assez étalés dans l'année. Pour Sail GP, la grosse période, c'est les entraînements aux Bermudes, avant la première étape ensuite pour les autres étapes, il n'y aura que quelques navigations avant l'épreuve, on partira pour une semaine.
En iQFoil, le plus important de la saison se déroule entre août et fin octobre. On aura les mondiaux, l'européen, donc ça fait plutôt des moments distincts dans l'année, ce qui va me permettre de tout faire, je l'espère au moins.
ENVSN : Et le passage d'un support à l'autre ?
Hélène : Je ne l'ai pas encore vécu mais ce qui va changer, sûrement, c'est les gammes de vitesse. En iQFoil, on va à 16/18 noeuds au près, 25/28 noeuds maximum au portant. Là, en F50, ça risque d'être plutôt des vitesses minimales. Au niveau évolution de vitesse, ça va être assez impressionnant je pense, même au niveau de l'adaptation tactique, tout se passe plus vite donc il faut réagir plus vite, plus anticiper. Après, je pense que ça ne peut être que du positif. En revenant en planche, ça risque d'être aussi plus facile.
ENVSN: Justement, peux-tu nous parler de ton rapport à la vitesse et à la prise de risques ? Tu n'as jamais peur ?
Hélène : Si, j'ai tout le temps peur, ce serait mentir de dire que je n'ai jamais peur! Déjà, le fait d'être passée de la RS:X aux planches à foil en général, on repasse par des phases d'apprentissage où il y a de la peur parce qu'on ne contrôle pas tout. Et après, dans la recherche de performance et de vitesse sur l'iQFoil, ça passe par des gros moments de peur, forcément. En décembre, on était venus ici à Quiberon et j'avais fait des super vitesses, mais du coup j'avais aussi fait des grosses chutes et ça m'a un petit peu bloquée les mois suivants, pour me ré-engager. En fait, tout se passe au près pour nous, on règle nos foils pour faire du près. Tous les autres bateaux volants peuvent régler les foils pour changer la puissance au vent arrière. Et nous, on ne peut pas, une fois que c'est fixé, c'est fixé pour toute la durée de la navigation. Du coup, au vent arrière, on peut se faire vraiment peur quand même. Et globalement, si on n'a pas peur, c'est qu'on ne s'engage pas assez, qu'on n'est pas assez performant. Donc on sait qu'il faut passer par là, c'est pas toujours très agréable mais on s'y habitue aussi.
Et puis moi, j'aime bien. Enfin, la peur ça n'est pas forcément ce qu'il y a de plus agréable. Mais par contre, j'aime bien l'adrénaline qui est liée à la vitesse et du coup dès qu'on arrive un petit peu à dépasser la peur, c'est des sensations assez incroyables et j'espère un peu transférer ça sur les F50. Le fait d'avoir déjà été bloquée face à des situations de peur et d'avoir réussi à les dépasser, j'espère que je vais pouvoir m'adapter rapidement grâce à ça.
ENVSN : Peux-tu nous parler de ton engagement dans la protection de l'environnement ?
Hélène : Oui, je suis assez sensible à tout ce qui est environnemental, par le rapport que j'ai à la nature. Je passe beaucoup de temps sur l'eau mais aussi dans l'eau à faire du surf ou d'autres activités, à être beaucoup dans la nature parce que j'aime bien les sports extérieurs et c'est vrai que'on voit vraiment tout notre environnement se dégrader et c'est pas très agréable au quotidien. Du coup, j'essaie, personnellement déjà, de pas mal m'engager, de changer ma façon de vivre un petit peu et puis aussi, de donner le temps que j'ai, en plus de mon projet sportif, et d'en faire profiter des associations. Parce qu'en tant que sportif, on peut faire bénéficier un peu de notre image pour faire rayonner des associations. Je suis bénévole dans l'antenne du Finistère de Surfrider foundation parce que je vis et je m'entraîne à Brest. Dans Surfrider foundation, je m'occupe des interventions dans les écoles et les collèges. C'est principalement de la sensibilisation sur les déchets que l'on retrouve sur les plages ou ailleurs, enfin tout ce qui est amené par les rivières et ce qui mène à la mer. On essaie d'en faire prendre conscience aux enfants, pour changer à la source.
Depuis cette année, je m'engage auprès de la water Family. Cette association s'occupe de faire de la prévention au niveau de l'eau. Essayer de préserver l'eau qu'on utilise tous les jours, en rinçant le matériel, en se douchant, mais aussi quand on consomme des produits qui demandent beaucoup d'eau pour leur production, que ce soit, les vêtements, la viande qu'on mange tous les jours. Ils ont un peu dans la même optique d'aller sensibiliser les enfants.
C'est vrai que c'est des choses que je trouve assez importantes et là, notamment dans la classe iQFoil, on essaie aussi d'améliorer les choses. C'est une nouvelle classe, donc il y a tout à construire et ça fait qu'on nous laisse pas mal la parole, aux athlètes, alors que souvent dans les classes, c'est plutôt les entraîneurs ou les responsables de fédérations qui ont leur mot à dire. Et du coup là, nous les athlètes, pouvons être assez proactifs. Je me suis engagée dans le comité environnemental de la classe iQFoil pour essayer d'élaborer des chartes pour tous les événements qu'on va avoir et aussi pour tous les athlètes. Que chacun s'engage à faire des petits gestes. L'idée, c'est qu'on commence cette année par des petits standards et qu'on fasse augmenter les choses tous les ans pour essayer de faire de mieux en mieux!
Photo : Patrice Boudot, Overlap prod